Goudomp - Abdoulaye Diallo a connu son heure de gloire en tant que jeune animateur de la radio communautaire Poukoumel FM, « j’étais apprécié de tous dans cette localité », explique-t-il fièrement. Le jeune homme mène alors avec sa femme, une existence paisible, mais son désir de vivre dans l'opulence le pousse à tenter sa chance en Europe. Il espère pouvoir y gagner suffisamment d'argent pour l'investir dans son pays, le Sénégal.
C’est ainsi qu’un jour de 2018, après avoir informé sa bien-aimée, il quitte tout et prend un vol à destination du Maroc. Une fois sur place, il prévoit de rejoindre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Son transit au Maroc, va en réalité s’avérer bien plus long que prévu.
À Casablanca, Abdoulaye apprend le métier de cuisinier. Pendant ce temps, sa femme, laissée à Goudomp, se bat pour prendre soin de leur petit garçon, à travers ses activités de tailleuse.
Le jeune père de famille, s'accroche tant bien que mal à son rêve d'atteindre l'Europe. Après chaque traversée infructueuse, il retourne travailler pour financer la prochaine tentative.
Au bout de quatre années passées au Maroc, et cinq essais vains, Abdoulaye prend volontairement la décision de revenir au Sénégal. Il entre en contact avec les agents de l’OIM au Maroc qui l’accompagnent dans son processus de retour dans le cadre l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants.
Sa réinstallation auprès des siens est loin d'être joyeuse, « ici quand tu reviens de migration avec rien dans les poches, même tes parents ne te respectent pas », explique-t-il. Heureusement, et comme toujours, sa femme est une source indéfectible de soutien : « J’ai la meilleure femme du monde. Elle était la seule à me comprendre même si elle a souffert de cette situation puisque tout le monde parlait de moi négativement, mais elle n’a jamais baissé les bras. »
L’assistance à la réintégration de l'OIM, est un soulagement pour le foyer d'Abdoulaye dans la mesure où sa femme assurait alors toutes les dépenses quotidiennes. Ensemble, ils décident de lancer un commerce de tissus. La coïncidence entre l’ouverture de sa boutique et les préparatifs de la fête de la Tabaski, leur permettent de se développer plus vite que prévu. Avec les nombreux bénéfices engendrés, Abdoulaye ouvre rapidement un fast-food.
 

Abdoulaye

Abdoulaye prend plaisir à cuisiner et partager sa passion en échangeant avec ses clients. 

 
La mise en place de ce second commerce, est l'occasion pour le père de famille, de mettre à profit l'expérience acquise au Maroc, « je suis cuisinier de formation, tout ce que je voulais, c’était ouvrir un fast-food, car c’est ce que je maîtrise le plus », précise-t-il.
Chaque matin, Abdoulaye ouvre sa boutique de tissus. L'après-midi, il se relaye avec son épouse, afin de pouvoir se rendre au fast-food. Avec ses trois employés, ils préparent ensuite la mise en place du service du soir. Chaque jour, une vingtaine de personnes se presse dans son fast-food pour manger ses fatayas, ses sandwichs ou encore ses pizzas.
En-dehors de ses activités économiques, Abdoulaye œuvre également dans le social. Il est membre d’une association composée de Marocains basés en Belgique et dont il a fait la connaissance lors de son séjour au royaume chérifien. En tant que représentant local, son rôle consiste à identifier les villages ayant un besoin en eau. Les membres de l'association se chargent de trouver des financements pour réaliser des puits. À ce jour, Abdoulaye a permis à quatre localités de disposer de puits à travers les actions de l’association.
Son prochain projet devrait être orienté vers les jeunes qui comme lui voudraient quitter Goudomp pour un prétendu Eldorado. En effet, Abdoulaye envisage à présent, de prendre part à des activités de sensibilisation et de prévention dans son département réputé pour être une zone de départ.
Cet article a été écrit par Edouard Bernabe DIOUF, assistant réintégration.