La réintégration de Samba D. : Se souvenir d’où l’on vient, lorsque on ne sait plus où l’on va
Originaire du sud du Sénégal, Samba D. vivait dans une concession familiale auprès de ses parents et sa fratrie. Avec désarroi, il observait la pauvreté et le manque de moyens gagner du terrain. Étant l’aîné, il ressentait l’obligation d’apporter une solution à ses proches. Samba a fait face à un terrible dilemme intérieur : continuer d’exercer son métier de soudeur métallique qu’il affectionnait, mais rapportait peu ou bien tenter sa chance en Europe pour assurer une stabilité financière à ses proches. Convaincu, qu’un avenir meilleur était possible pour lui et ceux qu’il aimait, Samba décide de rejoindre l’Europe.
Passé par le Mali, le Burkina et le Niger, le jeune homme est horrifié devant les conditions imposées par les passeurs à Agadez. En effet, il embarque à destination de la Libye et lutte durant cinq jours contre le manque de nourriture, la soif, la chaleur, la peur et la fatigue. Lors d’un contrôle de police au Niger, Samba est maltraité et conduit en prison plusieurs jours. À sa sortie, il séjourne une quinzaine de jours dans des foyers payants où les conditions sont délétères. L’eau et la nourriture font cruellement défaut et Samba ne peut s’alimenter qu’une fois par jour.
Déterminé à atteindre la Libye, Samba verse 500 000 FCFA à des passeurs. Cette ultime tentative constitue un bouleversement dans son douloureux parcours migratoire. En effet, au cœur du désert et sept jours durant, Samba est recroquevillé à l’arrière d’un pick-up avec 30 autres personnes. Les conditions de ce “voyage” sont tout simplement inhumaines. Dès son arrivée à la frontière Libyenne, Samba réalise qu’il a échappé de justesse à la mort et décide de rentrer au Sénégal. Il se confie à un ami qui lui recommande de s’inscrire auprès de la base de l’OIM à Agadez pour obtenir de l’assistance. L’OIM lui fournit immédiatement de la nourriture, un logement et assure son rapatriement.
Arrivé au Sénégal, Samba est accueilli par les agents de l’OIM à Tambacounda. Sa réintégration démarre par des sessions d’écoute et de paroles afin de définir son projet de réintégration.
Très rapidement, Samba souhaite reprendre son métier de soudeur. En fait, depuis son adolescence, Samba désire créer une véritable unité de production de mobiliers. Avec l’appui de l’OIM, le jeune homme enrichit et solidifie son projet à travers une approche nouvelle. Il décide de se lancer dans la production de machines agricoles. C’est un domaine particulièrement porteur, car l’agriculture occupe une place prépondérante dans l'économie sénégalaise. Rapidement, des équipements ainsi qu’un renforcement de capacité en soudure métallique lui sont fournis par l’OIM.
Aujourd’hui Samba fabrique des machines agricoles diverses : des semoirs, des houes destinées au sarclage des mauvaises herbes, ou encore des batteuses d’arachide pour séparer les tourteaux des graines d’arachides.
Samba en train d’assurer la maintenance d’un moulin à mil.
Son activité est rentable. Le père de famille peut désormais subvenir aux besoins de ses proches. Cette situation est donc extrêmement valorisante, car son travail lui permet enfin de combiner passion et sécurité financière. Samba a retrouvé une véritable capacité de contrôle sur sa vie. Chaque jour, il se rend avec fierté, dans son atelier pour concevoir et proposer ses machines agricoles.
Ce jeune homme, sociable, ne manque jamais de saluer ses voisins et d’accueillir chaleureusement ses clients. La communication et le relationnel sont au centre de sa stratégie commerciale. L’entrepreneur a pleinement conscience de la nécessité de fidéliser sa clientèle pour pérenniser son activité. Une partie de sa journée est également consacrée à la conception de matériel agricole auprès de jeunes qu’il forme au métier de soudeur. Ce rôle lui tient particulièrement à cœur, car il souhaite transmettre sa passion et son savoir-faire pour contribuer au développement économique de sa communauté. D’ailleurs, Samba envisage d’étendre son activité en recrutant de nouveaux soudeurs pour accroître sa capacité de production et développer des équipements agricoles encore plus innovants.
À nouveau confiant en lui et en l’avenir, Samba souhaite à présent promouvoir son activité via les réseaux sociaux, la confection de cartes de visite et la production de flyers. Toujours dans l’optique de renforcer la visibilité de son travail, il compte également prendre part à des foires et des expositions, dans les prochains mois.
*Afin de protéger l’identité des personnes citées, des pseudonymes ont été utilisés.
Cet article a été écrit par Ousmane DIALLO, facilitateur terrain au Sénégal.