Jean Patrice Koe Jr est le Directeur Assistant chargé des Relations avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) de la Direction des Camerounais à l’Étranger, des Étrangers au Cameroun, des Réfugiés et des Questions migratoires au Ministère des Relations extérieures du Cameroun. Son portefeuille traite spécifiquement des questions liées à l’inclusion des personnes déplacées de force dans les programmes gouvernementaux avec l’appui du secteur privé, des bailleurs de fonds et des partenaires au développement, ainsi que du suivi des migrations mixtes et de la réintégration des migrants camerounais de retour volontaire.

La question migratoire le touche personnellement, car il est né au Nigéria, a grandi dans différents pays et a passé la majeure partie de sa vie à l’étranger. Il peut s’identifier à la question du retour au pays après avoir passé quelques années dans un pays étranger.

La migration au Cameroun - le Gouvernement ne peut pas tout faire seul.

Jean Patrice Koe : La migration est un phénomène qui n’est pas nouveau au Cameroun et en Afrique en général. Les migrations ont toujours existé. Même si 80 % des migrations africaines se font à l’intérieur de l’Afrique, une crise est survenue en 2015 à la suite de causes multiples avec un flux de nos compatriotes qui tentaient de partir en Europe.

Pendant la crise de 2015, les images de citoyens africains piégés dans des prisons en Libye ont circulé dans le monde entier. Comment cela a-t-il affecté le Cameroun ? La question a été soulevée, et la communauté internationale devait prendre position. Par la suite, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières a rappelé que la migration n’est pas un phénomène négatif, mais qu’elle doit se faire de manière ordonnée : elle doit être sûre, elle doit être régulière.

La crise - même si la migration est un phénomène qui existe depuis longtemps au Cameroun - a obligé le Gouvernement, et le Ministère des Relations extérieures en particulier, à approfondir ses processus dans le traitement de cette question, et à formaliser les engagements en ce sens. Cependant, cela a également mis en évidence la nécessité d’une plus forte coordination dans le traitement de la question migratoire, et d’une coopération accrue avec les partenaires internationaux comme l’OIM.

En décembre 2016, l’OIM et l’Union européenne ont lancé l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants dans le but d’aider les pays africains à répondre aux besoins urgents de protection et aux pertes tragiques de vies de migrants le long des routes migratoires de la Méditerranée centrale, et à renforcer la gouvernance des migrations.

À l’époque, le Directeur général de l’OIM, William Lacy Swing, avait souligné « notre vision commune d’un monde dans lequel les migrants se déplacent par véritable choix et non par désespoir, dans lequel leurs droits sont protégés, et dans lequel la migration est bien gouvernée afin qu’elle soit un facteur positif de développement durable et inclusif dans le monde entier ».

Entre le lancement du programme et septembre 2022, l’OIM a accueilli près de 5 000 migrants de retour au Cameroun, leur pays d’origine.

Jean Patrice Koe : L’OIM soutient le Gouvernement camerounais dans sa politique de gouvernance des migrations à travers la mise en œuvre de ses programmes. Nous saluons effectivement ce partenariat avec l’OIM. Au Cameroun, le Gouvernement travaille à l’élaboration d’une politique migratoire nationale formelle, et à ce titre, la question de la migration est actuellement gérée par différents départements ministériels. La coordination et la rédaction d’un tel document national permettront de renforcer une action coordonnée de ces différents départements ministériels.

Nous nous réjouissons d’avoir le soutien de l’OIM avec la mise en place d’un comité de pilotage. L’Initiative conjointe UE-OIM contribue au renforcement de la gestion et de la gouvernance des migrations, mais aussi dans ce qu’elle implique ; elle facilite le retour et la réintégration des migrants irréguliers dans notre pays. C’est un exemple de la façon dont la migration pourrait être traitée selon une approche centrée sur les migrants eux-mêmes. La mise en œuvre de ces actions permettra la création d’une plateforme où les organes concernés (relations extérieures, administration territoriale, affaires sociales, fonds national pour l’emploi, santé, police, etc.) pourront mieux se coordonner et renforcer les capacités de gestion des migrations.

L’un de nos principaux défis est la sensibilisation et l’information. Pour nous, ici au Cameroun, il s’agit de sensibilisation et d’information. Il s’agit de la vulgarisation du Pacte mondial sur les migrations, et des enjeux de la prise en compte de la migration dans les politiques, les programmes et les stratégies nationaux et locaux. Cela doit se faire en fonction des priorités nationales, de manière inclusive et cohérente. L’autre défi est que nous manquons de données sur les causes et les effets de la migration, sur le nombre de personnes qui sont parties, sur les dates de départ et sur le nombre de personnes qui sont revenues.

Nous avons également un problème lié au financement et à la mobilisation des acteurs internationaux. En effet, il est urgent que le thème de la migration ne soit plus géré en solo, mais que les interactions avec les secteurs du développement soient soigneusement analysées.

Avec ces défis en tête, nous travaillons à des solutions et des engagements, notamment l’élaboration d’une politique nationale en matière de migration, l’opérationnalisation du suivi des actions sectorielles dans la gestion des flux migratoires au Cameroun, ainsi que l’opérationnalisation plus poussée du lien entre développement, aide humanitaire et paix au Cameroun. Nous poursuivons la lutte contre la traite des personnes en améliorant la coordination et le partage des informations afin de faciliter la poursuite des trafiquants et des passeurs de migrants au Cameroun.

La collaboration avec les partenaires, la manière dont nous travaillons avec l’OIM et d’autres acteurs, aide à élaborer des documents de politique générale en matière de migration. Prenez l’exemple de la politique de décentralisation du Cameroun, qui vise à rapprocher le Gouvernement de la communauté qu’il sert. Nous avons récemment mis en œuvre des programmes de stabilisation communautaire et établi des dialogues communautaires pour les personnes les plus touchées par la crise au Cameroun, pour prévenir les mouvements secondaires et les déplacements, par exemple. Ces programmes communautaires ont pour effet positif de promouvoir l’accès aux services de base ainsi que la construction d’une société inclusive pour une pleine intégration et une cohésion sociale. Et cela va dans le sens des objectifs 15 et 16 du Pacte mondial sur les migrations.

Compte tenu de l’impact positif de la politique de décentralisation, il convient de reconnaître les efforts déployés pour que la migration soit davantage un choix plutôt qu’une nécessité. La migration peut être bénéfique afin que personne ne soit laissé pour compte dans la réalisation des objectifs de développement du Cameroun.

Cet article a été écrit par Kim Winkler.