Réintégration après les horreurs de la migration irrégulière et de la traite : « Je regagne petit à petit ma dignité »

Marquée par un douloureux voyage au cours duquel elle a été victime d’actes de violence et d’exploitation sexuelle, Mouna* a renoncé à son projet de migration irrégulière vers l’Europe et est rentrée au Mali en 2021. Aujourd’hui âgée de 30 ans, cette jeune Malienne se refait une place dans la société, à la tête d’un salon de coiffure qu’elle a ouvert avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Sa passion pour la coiffure remonte à son enfance. Avant de partir en 2020, elle avait déjà un petit établissement de coiffure à Bamako, mais l’activité ne lui permettait pas de gagner convenablement sa vie. Convaincue par des amis qui lui ont fait croire qu’une vie meilleure était possible en Europe, elle a décidé de s’y rendre, en passant par le désert du Sahara et la mer Méditerranée, avec deux de ses copines.

Selon la Matrice de suivi des flux (DTM) de l’OIM, la majorité des migrants qui partent du Mali à destination des pays de l'Europe empruntent des bus de transport public vers Gao où ils passent quelques jours, avant d'être transportés par des camions à destination de l’Algérie, pour poursuivre leur route vers la mer Méditerranée, en espérant atteindre principalement l'Espagne ou l'Italie. Bien que Mouna ne nous ait pas donné de précisions sur l’itinéraire de son voyage, les trois jeunes dames ont connu les premières horreurs, bien avant de franchir la frontière entre le Mali et l’Algérie.

« Nous sommes parties de Bamako à trois. Avant d’entrer en Algérie, nous avons été violées et toutes nos affaires ont été volées ».

Un passeur est alors venu leur proposer la traversée vers les côtes italiennes, en passant par la Tunisie et la Méditerranée. Craintive, l’une d’entre elles est a décliné cette offre et est restée en Algérie. La seconde est morte lors de la tentative de traversée de la mer.

« Mon amie est décédée par noyade. Moi, j’ai été repêchée. Lorsque j’ai repris mes esprits, j’ai contacté mon autre amie qui est restée en Algérie. Cette dernière m’a demandé de la rejoindre pour exercer le métier de coiffeuse ».

Au lieu d’être accueillie dans un salon de coiffure en Algérie, Mouna a été présentée à un homme qui lui a plutôt promis un emploi de cuisinière dans une mine. Une fois sur le site, elle a été conduite dans une chambre cachée, où son prétendu employeur profitait de son corps à des fins sexuelles.

« A la mine, il m’a enfermé dans une chambre où j’étais contrainte à me prostituer. Quand je refusais, il me battait et me violait lui-même. Il me ramenait des clients chaque soir. Souvent plusieurs clients dans la même soirée et c’est lui qui encaissait l’argent ».

Un soir, Mouna s'est confiée à quelqu'un qui comprenait sa situation et lui a proposé de l'aider. Il avait entendu parler de l’OIM et l’a aidé à organiser sa fuite et lui a donné les coordonnées de l’OIM Algérie où elle s’est rendue pour raconter son histoire et exprimer sa volonté de retourner au Mali.

Grâce à l’aide au retour volontaire et à la réintégration qu’apporte l’OIM aux migrants en difficulté, la jeune dame est rentrée dans son pays d’origine en toute sécurité et dans la dignité, le 26 octobre 2021. Une fois à Bamako, elle a reçu une aide financière pour regagner sa famille. Elle a également obtenu les ressources nécessaires pour ouvrir un salon de coiffure à Bamako, avec l’appui de l’initiative intitulée Coopération en matière de migration et partenariats pour des solutions durables (COMPASS). En vue de garantir à Mouna les conditions d’une réintégration durable, l’OIM lui a offert, quelques mois après son installation, une aide additionnelle pour mieux équiper son salon de coiffure.

« J’ai reçu une deuxième aide pour agrandir mon salon. Cela m’a permis de recruter une personne pour m’aider. Aujourd’hui je regagne petit à petit ma dignité et je fais un travail que j’aime et avec lequel je gagne ma vie dignement », a-t-elle déclaré.

A l’instar de Mouna qui se fait une nouvelle vie sociale dans sa communauté, plus de 191 victimes de la traite des êtres humains, au nombre desquelles figurent 182 femmes et 27 mineurs, ont bénéficié de l’aide de l’OIM Mali, de diverses manières, en 2021.

* Le prénom a été changé pour protéger l’identité de la jeune dame.